C. Koller: L’industrialisation et l’Etat au pays de l’horlogerie

Titel
L’industrialisation et l’Etat au pays de l’horlogerie. Contri - bution à l’histoire économique et sociale d’une région suisse


Autor(en)
Koller, Christophe
Erschienen
Courrendlin 2003: Editions Communication jurassienne et européenne
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Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Hélène Pasquier

Dans l’ouvrage «L’industrialisation et l’Etat au pays de l’horlogerie», Christophe Koller s’intéresse au rôle de l’administration publique dans le processus d’industrialisation d’une région. D’emblée, il faut souligner et saluer le travail de l’auteur dans les domaines biographiques et statistiques. Christophe Koller a ainsi synthétisé la vie de plusieurs fi gures importantes, qui ont marqué de leur empreinte «la nouvelle partie du canton de Berne» et son histoire. Il a également établi de multiples graphiques. Ces derniers offrent une image synthétique de l’évolution tant industrielle, financière et humaine de son sujet de recherche (par exemple, citons ceux relatifs aux forces motrices, aux accidents en fabrique, aux types d’emploi, aux mouvements des capitaux dans les banques, aux taux de productivité annuelle par personne, aux prix moyens des garde-temps, etc.).

Issu du travail de doctorat de l’auteur, cette publication a pour objectif de
démontrer comment l’Etat interagit avec l’industrie entre 1846 et 1951 dans un espace géographique, économique et politique à dominance horlogère et microtechnique. Le territoire pris en compte pour cette étude recouvre les sept districts du Jura bernois (Porrentruy, Delémont, Franches-Montagnes, Courtelary, Moutier, La Neuveville et Laufon) ainsi que la région biennoise (Bienne et Nidau). Les sources utilisées par Christophe Koller sont essentiellement administratives. Le point de vue industriel est abordé par le biais de l’Etat, comme par exemple, au travers des rapports annuels des Préfets ou des Inspecteurs fédéraux des fabriques.

A partir de la seconde moitié du 19e siècle, le secteur horloger se caractérise par le déplacement du travail à domicile vers des ateliers et des usines. Christophe Koller démontre que parallèlement, l’Etat met en place plusieurs instruments, afin d’accompagner ce développement économique régional. Ainsi, l’Etat encourage les industriels à participer aux expositions internationales et nationales. Il fi nance également un réseau de formation professionnelle à l’écoute avec les demandes et des attentes des industriels. Par l’application d’une loi sur le travail en fabrique (1877), il codifie les conditions de travail et défi nit le nombre d’heures hebdomadaires passées en atelier. L’entrée en vigueur de cette loi est également un important outil statistique sur l’état de croissance d’un secteur. Les inspecteurs des fabriques établissent des rapports. Ils sont légitimés à contrôler et observer les activités des industriels.

Les crises des années 1920 mettent à mal l’économie horlogère. Après plusieurs tentatives infructueuses de régulation du marché (conventions, création d’organismes faîtiers), les industriels horlogers demandent expressément que l’Etat intervienne. Ce dernier édicte plusieurs arrêtés fédéraux afin de régler la situation et sauver les intérêts de l’industrie horlogère helvétique. Parallèlement, l’Etat instaure d’autres instruments économiques. Ces derniers soutiennent et protègent des risques d’exportation (garantie contre les risques d’exportation, mesure de clearing, etc.). La progressive cartellisation de l’industrie horlogère se répercute sur l’économie régionale jurassienne. Christophe Koller explique que la holding Ebauches SA s’évertue à racheter les entreprises dissidentes, afi n de tuer la concurrence. De fait, sur les 56 entreprises acquises entre 1927 et 1941, 54% sont établies dans le Jura bernois. Il faut noter que cette région s’était spécialisée dans la production d’ébauches horlogères depuis le milieu du 19e siècle. Les fabriques sont progressivement fermées. Il s’en suit un regroupement et une concentration des activités d’ébauche au pied du Jura. Ceci implique un déplacement de la population vers le bas de l’arc jurassien (Bienne, Granges, Soleure). La région de Delémont perd progressivement son caractère horloger au profi t de la machine-outil. A l’inverse, la ville de Bienne se spécialise dans l’horlogerie. Elle accueille plusieurs organismes décisionnels et de surveillance du monde horloger.

Avant de conclure, Christophe Koller aborde la question des migrations de l’industrie horlogère au cours du 20e siècle. Il explique que devant l’ampleur de la tâche, il a choisi d’illustrer ces propos à partir d’exemples. Parmi eux, il évoque l’émigration d’horlogers vers l’Allemagne dans le courant des années 1920. Il relate également la tentative de réimplantation de l’industrie horlogère suisse en Angleterre après la Seconde Guerre mondiale. Ces cas de fi gure sont fort intéressants. Ils s’attardent sur la manière dont l’information d’origine industrielle est relayée à travers le réseau des consulats et des ambassades. Ils analysent la manière dont l’état fédéral perçoit et craint la fuite d’un secteur économique fl orissant vers l’étranger. Les moyens et les mesures politiques mis en oeuvre afi n de lutter contre cette migration sont décrits. Ils permettent aussi de cerner la façon dont l’administration fédérale communique et essaie de minimiser ces phénomènes de départ. Par la suite, Christophe Koller s’attarde sur les divergences affi chées par le monde horloger et le secteur des machines par rapport aux possibilités d’exportations. Ces dernières sont limitées par les arrêtés fédéraux. Ils ont pour objectif de protéger l’horlogerie suisse de la fuite du savoir-faire et de la production. Ce cas particulier est extrêmement intéressant. Il offre la possibilité d’aborder la notion de lobby et d’enjeux industriels par rapport au pouvoir fédéral.

Dommage que ces exemples n’aient pas été plus au coeur de l’analyse de Christophe Koller. Ils auraient permis de mieux ancrer les propos macroéconomiques. Ils auraient amené une analyse plus fi ne des liens, des hypothèses, des rumeurs et finalement de la perception du monde industriel par l’Etat dans la «nouvelle partie du canton de Berne».

Zitierweise:
Hélène Pasquier: Rezension zu: Koller, Christophe: L’industrialisation et l’Etat au pays de l’horlogerie. Contribution à l’histoire économique et sociale d’une région suisse, Courrendlin, Editions Communication jurassienne et européenne (CJE), 2003, 610 S., ill. Zuerst erschienen in: Berner Zeitschrift für Geschichte, Jg. 67, Nr. 1, Bern 2005, S. 66ff.

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Zuerst veröffentlicht in

Berner Zeitschrift für Geschichte, Jg. 67, Nr. 1, Bern 2005, S. 66ff.

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